The implications of thumb movements for Neanderthal and modern human manipulation

Ameline Bardo,
Former Fyssen 2017

The implications of thumb movements for Neanderthal and modern human manipulation
Ameline Bardo, Marie-Hélène Moncel, Christopher J. Dunmore, Tracy L. Kivell, Emmanuelle Pouydebat & Raphaël Cornette
Scientific Reports volume 10, Article number: 19323 (2020)

Abstract :
Much research has debated the technological abilities of Neanderthals relative to those of early modern humans, with a particular focus on subtle differences in thumb morphology and how this may reflect differences in manipulative behaviors in these two species. Here, we provide a novel perspective on this debate through a 3D geometric morphometric analysis of shape covariation between the trapezial and proximal first metacarpal articular surfaces of Neanderthals (Homo neanderthalensis) in comparison to early and recent humans (Homo sapiens). Results show a distinct pattern of shape covariation in Neanderthals, consistent with more extended and adducted thumb postures that may reflect habitual use of grips commonly used for hafted tools. Both Neanderthals and recent humans demonstrate high intraspecific variation in shape covariation. This intraspecific variation is likely the result of genetic and/or developmental differences, but may also reflect, in part, differing functional requirements imposed by the use of varied tool-kits. These results underscore the importance of holistic joint shape analysis for understanding the functional capabilities and evolution of the modern human thumb.

Importance des mouvements du pouce dans la manipulation d’outils chez les Néandertaliens et l’homme moderne

Un article publié dans Scientific Reports menée par le Dr Ameline Bardo et ses collègues nous renseigne sur la manière dont les Néandertaliens saisissaient les outils en comparaison avec les humains modernes. Si des similarités dans le type de saisie ont été trouvées, des particularités propres aux Néandertaliens ont aussi été mises en évidence.

Dans cette étude, les chercheurs ont scanné et mesuré les articulations entre les os du pouce (complexe trapézio-métacarpien) grâce à une méthodologie 3D. Cette étude comparative a été réalisée sur 5 Néandertaliens, 5 humains fossiles anatomiquement modernes ainsi que 40 humains adultes modernes.

Les auteurs ont trouvé une variation dans la forme et l’orientation relative de l’articulation de la base du pouce suggérant des mouvements du pouce différents chez les Néandertaliens par rapport aux humains modernes. Cette articulation du pouce chez les Néandertaliens est plus plate avec une surface de contact plus petite, cohérente avec un pouce étendu, positionné le long du côté de la main. Cette posture du pouce suggère l’utilisation régulière de saisies de force, comme celles que nous utilisons aujourd’hui pour tenir des outils munis de manches. Dans ce type de saisie, les objets sont tenus comme un marteau, entre les doigts et la paume, le pouce dirigeant la force. En comparaison, les surfaces articulaires des pouces des humains modernes sont généralement plus grandes et plus incurvées, constituant un avantage pour la prise d’objets entre les coussinets du doigt et du pouce. Ce type de saisie est appelé saisie de précision.

Les auteurs concluent que, si la morphologie des Néandertaliens étudiés est mieux adaptée aux saisies de force, ils auraient été néanmoins capables d’effectuer des saisies de précision. Ce geste était possible mais la réalisation sans doute plus difficile que chez les humains modernes.

« De plus, nos résultats montrent une forte variabilité chez les humains modernes ainsi chez les Néandertaliens, variabilité qui est probablement le résultat de différences génétiques et / ou développementales mais peut également refléter, en partie, des exigences fonctionnelles différentes imposées par l’utilisation de types d’outils variés. Notre étude ouvre de nouvelles perspectives sur les interprétations fonctionnelles des outils des néandertaliens, mais aussi, de manière générale, des hominines éteints. Un même outil a pu être utilisé de façon complètement différente par différentes espèces, telle qu’emmanché ou à main nue, étant données les différences de morphologie de la main, favorisant, ainsi, certaines stratégies de manipulation ».

La comparaison de la morphologie complète des mains des Néandertaliens et celles des humains modernes permettrait de mieux comprendre les comportements de nos anciens parents et les modes d’utilisation de leurs outils.

Légende de l’image :
Reconstitution de la saisie de force utilisée par les Néandertaliens pour un outil emmanché où ce dernier est tenu comme un marteau actuel, entre les doigts et la paume avec le pouce dirigeant la force. En transparence, les deux os composant le pouce, le trapèze (en violet) et le premier métacarpe (en bleu). Crédit image : Ameline Bardo

Ameline Bardo
Ameline Bardo Dr Ameline Bardo est une anthropologue et primatologue travaillant sur l’évolution de la manipulation d’outils chez les primates ainsi que sur l’émergence des caractéristiques uniques de la main humaine. Elle a terminé son doctorat au Muséum national d’Histoire naturelle (Paris) en novembre 2016, pour lequel elle s’est penchée sur l’évolution de la main et des capacités de manipulation chez les grands singes par rapport aux humains. Ameline a reçu en 2017 une bourse de recherche postdoctorale de la Fondation Fyssen de 2 ans pour travailler sur le projet « Évolution de la dextérité humaine, saisie de précision et fabrication d’outils en pierre » à la School of Anthropology and Conservation (SAC) de l’Université du Kent (Royaume-Uni). Actuellement, Ameline continue de travailler sur l’évolution de la dextérité humaine en tant que chercheuse postdoctorante toujours à l’Université du Kent et est également responsable du laboratoire APE (Animal Postcranial Evolution). Ses travaux de recherche publiés dans Scientifique Reports ouvrent de nouvelles perspectives sur les interprétations de la manipulation d’outils par les néandertaliens.